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Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

mardi 3 février 2009

L'amour de l'art (JPH n°54)

Le jeu presqu'hebdomadaire est, comme son nom l'indique, organisé presque chaque semaine sur le forum À Vos Plumes. Un thème est imposé, un nombre de signes également (pas plus de 3000). On n'y gagne rien, sinon le plaisir de participer et de lire, le tout dans une ambiance chaleureuse, exempte de compétition. Avis aux amateurs ! Je vous propose ma participation au jeu n°54. Le thème : écrire un texte finissant par " - Mais je vous en prie, me répondit la statue. Je ne remettrai jamais les pieds dans ce musée."

Depuis des années, je rendais des visites régulières au département grec du Louvre, et particulièrement à une statuesque Aphrodite dont la chute de rein me laissait pantois d’admiration. Dans un musée, pas question d’intimité : il me fallait partager l’objet de mon affection avec tout un chacun. Et pour tout dire, je supportais difficilement de voir d’autres types reluquer les fesses de ma bien-aimée, fesses qu’elle avait sublimes, si je ne l’ai pas déjà dit.

Je voulais un tête-à-tête et décidai de rester dans le musée après la fermeture. Je me dissimulai donc derrière une immense sculpture figurant un Pan ithyphallique entouré d’un véritable harem de nymphettes qui étaient, ma foi, bien mignonnes avec leurs petits seins frais. Mais cependant, pas autant qu’Aphrodite et son …, hmm ! bref, vous m’avez compris !

Dès que les lumières du musée s’éteignirent, je sortis de ma cachette. En passant, je jetai un coup d’œil à Pan et lui assenai un « T’es moche, toi ! ». C’est vrai quoi, vous avez vus sa tronche et ses pattes de bouc poilues !

- Tu t’es pas vu, freluquet ! qu’il me répondit de toute sa virilité.

Je m’attendais à tout sauf à ça. En plus, j’entendis les nymphes ricaner dans mon dos. La honte ! Je me dirigeai vers Aphrodite le rouge au front (heureusement qu’il faisait sombre) mais remarquai qu’elle aussi avait souri à la répartie de Pan.

Moi qui rêvais d’une rencontre intime, c’était raté ! Les statues me regardaient en chuchotant – j’étais la risée de toute la salle ! Un éphèbe me lança même ce qui devait être une insulte, mais de toute façon, je ne comprenais pas le grec. Je ne fis donc pas grand cas de sa remarque ; lui-même était ridicule dans sa pose alambiquée et en plus, il avait un tout petit machin, alors …

Cependant, le sourire entendu d’Aphrodite après la réflexion de Pan me trottait dans la tête. Se pouvait-il qu’elle-même ait goûté aux atouts répugnants du faune ? Ce débauché obscène avait-il profité des faveurs de la belle, y compris sa croupe qui était (pour rappel) exquise.

Que se passait-il ici nuitamment ? J’étais sans doute tombé dans un nid de luxure, moi qui ne songeais qu’à une rencontre (presque) romantique. Faut dire, quelle idée saugrenue d’enfermer ensemble tant d’hommes et de femmes, nus de surcroît ! C’était vraiment tenter le satyre !

Je m’approchai néanmoins de mon Aphrodite callipyge et lui récitai mon boniment … je veux dire, mon compliment. Malgré moi, mon regard se détournait de ses yeux pour se poser sur ses hanches. J’étais pour le moins ému – c’est un euphémisme !

Mais elle, pas le moins du monde attendrie, me lança :

- La petite nymphe là-bas n’est pas farouche ; tentez donc votre chance avec elle ! Et elle me toisa d’un air mi-amusé mi-hautain (franchement, je la préférais de marbre !)

« Et Pan ! dans les dents ! » me dis-je. Essuyer un tel râteau après avoir passé tant de temps à lui tourner autour (même s’il est vrai que j’étais le plus souvent derrière elle, là où ses appâts …) ! Mais je ne voulais pas perdre la face.

- Merci du conseil, lui susurrai-je en ravalant ma fierté. Et je m’éloignai sous l’œil goguenard de Pan.

- Mais je vous en prie, me répondit la statue.

Je ne remettrai jamais les pieds dans ce musée.

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