Écritures, billets, nouvelles, contes, brachygrammes, poésies, prosoésies, ludilemmes, romans...

Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

mardi 21 juillet 2009

Ada (roman - extrait 4)

Je retourne rapidement à la maison, je fouille la cave, parmi quelques jouets de son enfance et d’autres vieilleries, je déniche ledit seau, encore rempli de coquillages. Malgré les années et un soupçon de poussière, il s’en dégage encore cette odeur caractéristique d’iode et de goémons mêlés. Un parfum de mer, un parfum de sel, comme celui des larmes, des lamentations plus corrosives que la salinité de l’océan.
Le temps n’a pas non plus altéré leur aspect, teintes ivoirines, blancheurs nacrées, matités crues. La mémoire se recolle aux coquilles, la marée envahit mes yeux, une marée impérieuse dont la lune sépulcrale exercerait un attrait constant.
Mes doigts courent sur leur surface, comme sur une peau. La granulation est celle du bonheur – obsolète.

Ada, tu disposes les coquillages sur la table. Tu les classes par taille, forme, couleur. Puis tu les agences, tu crées des visages aux oreilles extravagantes, tu disposes des yeux, et de deux couteaux tu inventes les bras.
Des créatures marines et déshydratées prennent vie et toi, tu te joues d’elles, tu les démembres à l’envi, tu les recomposes selon ton caprice. Petites choses, simples et éphémères.

lundi 20 juillet 2009

De la saveur du cœur d’artichaut (JPH n°67)

Jeu presqu’hebdomadaire du forum À Vos Plumes. Contrainte : écrire un texte sur le thème « Rencontre » en incluant les mots portrait, sévère, sommet, douleur et hanter.

Lorsque j’ai rencontré Sarah, je venais de rompre avec Marie. Sarah avait des yeux assez ordinaires et dotés d’un léger strabisme qu’elle compensait allègrement par une paire de seins modestes mais à la forme parfaite et au moelleux incomparable.

Marie avait une croupe généreuse mais aucune imagination, cause principale de notre rupture. Avant elle, Lison ne pouvait s’empêcher de parler avant, pendant et après, ce qui m’occasionna de mémorables migraines et un besoin de solitude impérieux, assez bref avouons-le. Auparavant encore, Séraphine me ravissait de pâtisseries, desserts délicats dont elle excellait à la fabrication et qui me valurent un excédent abdominal qu’elle finit par me reprocher assez ingratement. Quelques temps plus tôt, Jeanne, peintre autodidacte, passait ses nuits et les miennes à esquisser mon portrait ; pour être honnête, je n’entrevis ses jambes qu’une ou deux fois et le tableau promis jamais. Antérieurement, Julie tenta de me passer la bague au doigt bien que je le réservasse pour elle à un bien autre usage ; elle avait des lèvres sévères mais une langue lascive. Il y eut également Monique et Mauricette, sœurs jumelles et passionnées, d’un âge assez avancé mais d’une inventivité toute juvénile. Je garde d’ailleurs un souvenir attendri de leurs silhouettes callipyges et quadruplement mamelues.

Tout cela pour dire qu’avec l’arrivée de Sarah, j’escomptais une période de répit et, pourquoi pas, de stabilité. J’adorais me nicher au milieu de sa poitrine qui évoquait deux monts siamois aux sommets fleuris. Je lui récitais des poèmes exécrables qu’elle abrégeait immanquablement en m’attirant vers elle, puis en elle. Inutile de préciser que, dans ces conditions, mon sens de la prosodie ne s’améliora guère.

Je tressais ses longs cheveux châtains en macarons interminables qui me rappelaient Séraphine et ses douces viennoiseries. Je photographiais sans répit ses tétons, mon unique sujet, dont j’affichais les tirages sur les murs de mon salon en une exposition sans cesse en mouvement. Elle se prêtait avec malice à ce petit jeu qui finissait toujours de la même façon : je courais chez le photographe acheter une autre pellicule. Et là où Jeanne s’était avérée incapable de traduire mon caractère par son pinceau, je transfigurais Sarah et sa concupiscence par mes clichés. Elle n’avait pas les fesses de Monique et Mauricette, pourtant je ne m’arrachais à son corps qu’avec douleur. Elle était donc la quintessence de mes anciennes aventures ; elle en possédait les qualités, agrémentées d’un grain de peau inégalable et de cuisses fines mais puissantes qui formaient un étau magique.

Bien entendu, je rêvassais à une liaison pérenne et pourquoi pas matrimoniale. Il n’en fut rien. Sarah m’embrassa un jour avec ni plus ni moins de fougue qu’à l’accoutumée et ce fut la dernière fois que je la vis, d’aussi près en tout cas. J’avais oublié qu’avant moi, il y avait eu Paul et son accent guttural, Simon et son piano sirupeux, Jacques et son sexe démesuré – maudit soit-il celui-là ! – quelques autres encore, sans compter ceux qu’elle n’avait jamais mentionnés.

Je plongeai immédiatement dans une dépression intense, son parfum me poursuivait et son ultime baiser me hanta une nuit au moins. Le lendemain, je me levai dépité, je descendis à la boulangerie ; Hélène y achetait une brioche et des macarons.


jeudi 9 juillet 2009

De la psychomorphologie du thème de la raie dans l'œuvre de Lunatik

Analyse crypto-subjective de « Désir féminin et crudités – 2 »

Avant d’entamer ce billet, il est indispensable de lire « Désir féminin et crudités – 2 » de Lunatik.

Ne pouvant, sans lieux communs, dire tout le bien que je pense des crudités de Lunatik, je me permets un court essai sur un thème qui me semble important dans sa littérature, à savoir la raie. Il ne s’agit pas d’une analyse psychologique fine ni intellectuelle puisqu’elle se situe sous la ceinture. Je vais cependant tenter d’élever un débat que Lunatik lui-même semble vouloir ramener horizontalement au ras du sol, et du sable en particulier.
Une brève consultation du dictionnaire nous apprend qu’une raie est avant tout une séparation. Et c’est bien là que le bas blesse, d’autant plus qu’il (le bas) est apparemment ensablé. D’aucuns discourent sur l’ensablement de leurs esgourdes, mais Lunatik point.
La raie est donc une ligne qui divise, mais qui n’est pas sans posséder quelque ouverture. Cependant, on notera que chez Lunatik, cette possibilité d’ouverture est contrariée par le sable justement, sable qui en temps que minéral représente à merveille une nature indomptable et indomptée dont il semble faire les frais. Le sable, également indissociable du sablier, signifie aussi l’enfermement et l’inéluctabilité de l’éphémérité relationnelle. C’est dire !
Or donc, la relation charnelle, avant même que d’être vécue et donc décrite, se voit préfacée de la vision inconfortable d’une raie ensablée. Le proverbe, dans sa sagesse, dit bien « Grattez où ça vous démange ». Mais le narrateur subit cette incommodité et s’engage ainsi. Avant même la concrétisation de l’acte apparaît donc le thème de la raie (une séparation qui ne laisse rien augurer de bon pour la suite) et du sable (qui en bouche une ouverture éventuelle – tout futur semble compromis).
Pourtant, un avertissement nous avait déjà mis sur la voie. L’héroïne, en guise de préliminaires, triture les cheveux du mâle, les plie à sa volonté. Elle tente ainsi d’annihiler la coiffure de l’homme, elle détruit son ordonnancement et l’éventualité d’une raie qui aurait séparé la chevelure en deux parts, une gauche et une droite égales, en complétude. La raie, brisée par la femme, est ensuite irrémédiablement obstruée par l’homme. La relation est donc sans issue.
Aux lecteurs (et lectrices surtout) qui supposeraient cette analyse sans fondement – si j’ose dire, je suggère de visiter l’excellent blog de l’auteur (Le labyrinthe de Lunatik) et de méditer sur la photographie qu’il offre à nos yeux de lecteurs avides et dont il affirme qu’elle est un lieu de contact. L’inconscient se niche donc dans les replis du cortex et des muscles fessiers. À ceux qui souhaitent dévorer ces crudités avec voracité, je suggère donc de guetter la parution de « Désir féminin et crudités – 3 » qui nous apprendra, je l’espère, que les centres d’intérêts de l’auteur s’ouvrent à d’autres parties de l’anatomie.

mercredi 8 juillet 2009

Nyctalope (acrostiche)

Nuitamment, je rôde parmi les taches obscures des rues.
Y trouverai-je les proies de mes humeurs assassines ?
Ce sont elles que j’épie, elles que j’attends, elles qui s’éteignent dans un craquement délicat.
Tant de cadavres jonchent ma route ; mon tableau de chasse s’accroît et je m’enorgueillis.
Aucune victime n’en réchappe.
Les corps sont à ma merci et, tremblants, me supplient au cœur de l’effroi.
Or, la pitié est un sentiment que j’ignore !
Peut-on jouir autant de la terreur qu’on inspire que du plaisir de tuer ?
« Evidemment ! » répondraient tous les chats.

jeudi 2 juillet 2009

Savinienne est un homme - 7

Ce matin, Savinienne déclare à qui veut bien l’entendre qu’elle est un homme. Elle est d’ailleurs assise dans une attitude éminemment virile, les jambes largement écartées.
Elle discute, elle soliloque, sa volubilité n’a d’égale que son excitation.
Elle m’aperçoit et m’apostrophe : « Je suis un homme ! » assure-t-elle avec un aplomb désarmant.
Et comme je m’approche, elle soulève sa jupe et s’écrie : « Tu veux voir ? »

Le printemps passe

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes
(Bashō Matsuo)
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