Écritures, billets, nouvelles, contes, brachygrammes, poésies, prosoésies, ludilemmes, romans...

Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

samedi 30 octobre 2010

Par vent violent - 10

Litanie : toujours la mer exhale un babil caractéristique, chuintement fait d’écume et de profondeur. Toujours ce murmure itératif que rien ne vient entraver, ni ma respiration, ni la lente agonie de mon corps – hormones confondues – corps aux désirs tus, susurrations coites, salacité inavouables.
Litanie également, le ciel qui me nargue de sa pureté, les flots où toute chose se désintègre, promise à un lent pourrissement.
La nature, forte, plus forte que moi ; ma nature, plus impérieuse que ma raison m’encourage à la survie. Échouerais-je sur quelque radeau, tel une méduse, une improbable gorgone ? Je plonge ma main dans l’océan et, malgré le soleil qui en réchauffe la surface, l’eau est restée froide, horriblement symbolique. Je lèche mes doigts ; le sel de la mer se mêle à ma salive et, par une alchimie élémentale, se fond en moi, colore mes particules de son immensité. Mes nerfs s’étirent, presque à l’infini, recouvrent la surface aqueuse, accèdent à la connaissance de l’insondable. Malheureusement, l’espoir est permis – où donc loger mon découragement ?

mardi 26 octobre 2010

Par vent violent - 9

Las, l’épuisement s’insinue, mon corps se terrasse de sa propre impuissance. Je m’abandonne enfin, avec un presque contentement et me laisse glisser, jouet de la gravité.
Ma silhouette perce les abysses, mes mains au passage caressent les filaments des méduses dont la fluorescence sur ma peau imite la pâleur de la mort ; toujours plus profondément. À mesure que la pression s’accroît, l’ivresse m’envahit, des bulles explosent dans mon cerveau, des pensées éphémères se matérialisent, disparaissent, jouent avec des rires cristallins comme une assemblée d’enfants. L’expérience est aussi délicieuse que terrifiante, le noir partout m’enveloppe, gangue d’obscurité, nébulosité où s’enchevêtrent les limites de la vie.
Mes poumons se resserrent, mes paupières s’ouvrent sur les ténèbres en une supplication tératologique – je suis le monstre qui renie son existence, pour un temps. Je sombre.

samedi 23 octobre 2010

Léviathan, dit-il (première apostille de Vent violent)

Désespérément, je pose ma main sur ton flanc, je poursuis les lèvres, les bourrelets, les affleurements de peau. Une trace, une empreinte, et voici les résolutions caduques, nous ne sommes plus que corps, en quantité indénombrable. Et de tous mes sens en alerte, l’ouïe est la plus sollicitée, les caresses sous le joug de mes paupières closes enflent et la turgescence sonore tout envahit, se heurte à mes pores, titille mes phéromones, avec ravissement.
Noyons-nous ! Noyons-nous, de larmes, d’océan d’affliction et d’autant de procrastination ! De l’eau coulera de nos fronts, glissera sur nos gorges, aspergera nos poumons ; tout n’est-il pas délétère, à l’image de la vie ? Si encore l’autre ne m’offrait pas l’affront de sa jovialité, je pourrais contraindre mes sentiments, m’exhorter à la liesse, m’y forcer, peut-être avec tyrannie. Las, je suis faible, et décrépi, je porte sur mon dos le mur des ans, non ceux que décomptent lunaison et révolution, mais les secondes insignifiantes qui marquent notre perte, inexorablement nous traînent pieds et poings liés vers le destin.
Noyons-nous donc, et si l’instinct le veut, nous serons siréniens qui, d’une envolée natatoire, plongeront vers quelque ailleurs, encore inexploré, riche de virginité. Ainsi, de bouchées en morcellements, de proies en victimes, je grandirai et, ayant empli de ma force toute la profondeur des abysses, je jaillirai à nouveau vers la surface, majestueux.
Je serai léviathan, ogre gargantuesque de plaisir et de vie, je serai léviathan, aussi noyons-nous !

jeudi 21 octobre 2010

Par vent violent - 8

Je m’essaie à la fusion, je me hasarde à extraire de chaque particule d’eau la goutte quintessentielle, comme une tentative se syncrétisme aqueux. Se fondre ainsi dans le microcosme ouvre nécessairement les écluses de l’infini, j’épouse les courbes des mystiques, je singe leurs attitudes.
Repos – empathie – je tente de détourner la noirceur des fonds par des artifices méditatifs ; les cercles se succèdent, achevés, parachevés, inachevés enfin. Rien en saurait contrer la course de l’impermanence, ni ma volonté de fer, ni la mer promise à une lente mais inexorable évaporation.
Une larme, se dissolvant dans l’océan, en a perturbé la salinité ; définitivement.

samedi 16 octobre 2010

Par vent violent - 7

Porté par la pression de l’eau, je flotte sur le dos, mon corps divague, le liquide a envahi mes oreilles qui me répercute les sons abyssaux. Je suis au centre de l’océan, un centre théorique puisque j’ignore tout de la position que mon point insignifiant prendrait sur un planisphère. De toutes parts, l’horizon mêle les éléments.
Ainsi offert à la voûte des cieux, je contemple l’azur, je démultiplie les nuages, je ciselle leur forme. C’est une accalmie étrange que de jouer avec le firmament, d’explorer les territoires d’un olympe assurément hors d’atteinte. Mon être trouve sa place, quelque part entre le zénith et le nadir, c’est-à-dire n’importe où, n’importe comment, mais enfin oublieux de lui-même, et de son destin – à charge celui qui y croit de m’en esquisser la trame.
Rassasions-nous d’apaisement, fut-il illusoire ! Sous mes pieds grondent les sirènes, sous ma chair se matérialisent des désirs inavoués et inavouables, tous en ma défaveur, mais si délicieux. Que ne suis-je un autre pour devenir moi-même !

Le printemps passe

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes
(Bashō Matsuo)
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