Écritures, billets, nouvelles, contes, brachygrammes, poésies, prosoésies, ludilemmes, romans...

Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

mardi 22 septembre 2009

Savinienne où tombent les feuilles - 9

À Savinienne qui pense être en mai, en juin ou en décembre, je rappelle que c’est aujourd’hui l’automne. Ce mot fait écho, elle se remémore des promenades en forêt, elle évoque les châtaignes grillées sur le feu, leur odeur caractéristique, leur goût savoureux.
D’une main maladroite, elle mime les feuilles tombant des arbres. Parmi ses mots diffus, j’entends l’écho de balade, de sous-bois – son père lui tient la main, elle le suit en trottinant, elle l’appelle encore, sa voix dans un souffle.
Et quand je l’interroge sur le pourquoi de la chute des feuilles, Savinienne me répond, avec évidence : « Les feuilles meurent parce qu’elles en ont assez de vivre ! »

vendredi 18 septembre 2009

Séisme

Séisme > chute, perte de l’équilibre ; tout sens commun évanoui / tremblements…
Séisme > le temps disparaît : éternel et infinitésimal. Les sensations se succèdent en cascades, certaines se languissent, s’étirent, atermoient à n’en plus finir, étonnante procrastination. Les volumes se confondent, tous conduisent vers la même direction, l’inéluctable mort – petite ou éminente, toujours effroyable d’abandon. Les mouvements s’entrechoquent, s’entrelacent, la terre se creuse sous nos pieds, sous nos corps désarticulés ; longue fissure, étirée jusqu’au crépuscule.
Séisme > ton corps s’ouvre, repère d’icelui.

jeudi 10 septembre 2009

Poisson-chat

Poisson au gré du courant se glisse, côtoie les rochers, tapi dans les tréfonds, enrubanné des algues. Poisson évite le brochet, louvoie entre les griffes des ours, se gausse des lignes de pêche ; mais d’un courant retors et d’un rebond excessif se retrouve sur la berge, convulsant loin de l’eau. En quelques instants, le soleil commence son office, assèche les écailles, infimes brûlures annonciatrices de mort.
Mais il ne mourra pas d’asphyxie : Poisson mangé par mistigri > vibrisses frémissantes, langue passée sans fin sur ses mâchoires pelues.

Chat – agapes achevées – est plus amoureux que jamais de sa vie féline, estomac repu oblige. Chat, jamais après sa toilette ne mange pour ne pas souiller sa propreté ; mais, douce chaleur ou digestion précaire, oublie cet atavisme salvateur et croque une dernière fois les reliefs de son repas. L’arête, vengeance de Poisson, se fiche dans l’œsophage, non sans avoir cruellement titillé la glotte. Chat miaule affreusement, Chat se débat inutilement, étouffe et agonise.
Mais il ne mourra pas d’étouffement : râbles de Chat sous dents canines > gueule saignante et satisfaite, mâchonnement itératif des os, craquements.

Chien se réjouit de son forfait, court en jappant, dévale les pentes, saute les haies. Rentre chez lui en hurlant comme un fou, pattes salies, gueule rougie, Chien puni. Chien gémit enfermé dans la cave, Chien a soif, par le soupirail entend parler de rage. Les jours passent, et ni boire ni manger. Ses entrailles vidées de tout crient famine, sa langue gonflée pend sur ses babines. Chien geint, inaudiblement.
Mais il ne mourra pas de soif ou de faim : Chien achevé par fusil > soulagement de qui craint la maladie, puissance peut-être, et puis oubli.

Homme retourne à son statut d’humain, cuisine un peu, sert le dîner. Homme s’assied, délicatement de son couteau écarte la chair de poisson.

Le printemps passe

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes
(Bashō Matsuo)
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