Écritures, billets, nouvelles, contes, brachygrammes, poésies, prosoésies, ludilemmes, romans...

Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

mardi 16 février 2010

De la taxonomie (JPH n°80)

Texte à consigne du forum À vos plumes ; la première phrase est imposée ainsi que l'utilisation des mots suivants : cloche, interlocuteur, moineau, aiguille, brevet, sympathie.

Ce matin, en la regardant bien, il la trouvait plutôt belle. Elle dormait encore et ses longs cils déposaient leurs ombres filigranées sur ses joues, adoucissant son expression. Il eut tout le loisir de l’observer, aussi intimement que lui permettait son alanguissement. Son corps ne manquait pas d’une certaine noblesse, il était pourtant trop dégingandé, avec des membres démesurés, surtout par rapport à lui qui arborait une silhouette trapue et des muscles en forme de brevet culturiste. Elle était grande, très grande même, et il n’aimait guère l’obligation que sa taille lui faisait de lever sans cesse la tête pour la regarder.
Hier, ils avaient traversé de vastes étendues vertes, gambadé dans la prairie comme des enfants. Parvenus aux sous-bois, ils avaient découvert une source et, enivrés par le gazouillis des moineaux et des autres bestioles volantes, ils s’étaient abreuvés. L’eau froide piquetait leur gorge à la manière d’aiguilles microscopiques et glacées. Ils avaient ri et, pour parer le cou que sa compagne avait fort long, il avait cueilli des fleurs aux hampes étirées dont les efflorescences évoquaient des cloches minuscules ; il les avait tressées pour en faire une multitude de colliers floraux, empilés de ses épaules à son menton. Elle avait été enchantée de cette attention, son image dans le point d’eau reflétait son sourire, elle resplendissait. La température du lieu était exquise, la luxuriance de la végétation sans pareille et nonobstant cet environnement idyllique, s’il éprouvait pour elle de la sympathie, voire de l’affection, jamais il n’aurait pu prétendre l’aimer.
Malgré cela, ils avaient dormi sur l’herbe et, comme ils vivaient nus, leur peau avait pris le goût de la rosée. Elle avait un corps robuste dont la fougue sauvage faisait presque oublier les proportions saugrenues. Ils s’étaient connus – bibliquement, pourrait-on dire – ou, plutôt, l’avaient tenté. Elle possédait une langue longue et agile, ce qui présentait une configuration avantageuse dans bien des positions. Toutefois, d’un point de vue strictement reproductif, il dut admettre, à son grand dam, qu’il n’était pas à la hauteur et qu’il serait bien incapable, dans ces conditions, de générer une quelconque descendance ce qui, à l’époque du moins, semblait représenter une condition nécessaire à leur accouplement.
Aussi, en dépit de la complicité qu’ils entretenaient l’un envers l’autre, l’homme mit un terme à leur histoire et se rendit auprès de Dieu : « Seigneur, cette créature est bien l’œuvre de Votre omnipotence, cependant elle ne peut m’être appariée. C’est, au demeurant, un être charmant et je propose donc de la nommer Girafe. En ce qui me concerne, il faudrait une femme plus adaptée à ma morphologie. »
Dieu médita un moment puis l’interrogea : « N’y a-t-il pas une qualité de cette Girafe que tu souhaites voir reproduire dans ta moitié définitive ? »
« Peut-être sa mutité… » suggéra timidement l’homme à son divin interlocuteur.
Dieu l’observa avec un regard facétieux qu’il ne comprit que plus tard.

dimanche 7 février 2010

Savinienne réinvente le calendrier - 13

Ce matin, j’accueille Savinienne. Elle s’agite, ses pupilles roulent de gauche et de droite, elle entrouvre les lèvres, puis les referme à peine. Une traînée d’inquiétude perle aux coins de ses yeux, ses paupières papillonnent, ses mains se meuvent avec tension, ses mots à l’avenant. Enfin, elle m’avoue : « Hier, j’ai failli mourir ! J’ai cru que le jour de ma mort était arrivé ! »
Je la rassure, plaisante avec elle, lui fait remarquer qu’apparemment, ce n’était pas encore le moment.
Et Savinienne de me répondre : « Effectivement, j’ai regardé un calendrier mais je n’ai pas trouvé la date ! »

Le printemps passe

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes
(Bashō Matsuo)
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