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Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

vendredi 6 février 2009

Ada (roman - extrait 2)

Bientôt, le problème de ton alimentation s’impose ; depuis quelques jours, tu n’absorbes pour toute nourriture qu’eau et glucose, toi qui buvais peu et à qui l’excès de sucre donnait la nausée.

Une poignée de médecin se réunit donc et daigne me convier à leur réunion. En réalité, seul ton statut de mineure les contraint à quémander mon autorisation, quelle que soit leur décision. En cas de refus de ma part, une décharge sera nécessaire. Ma présence n’est pas même consultative, juste procédurière.

Fort heureusement, le corps médical fait tendre son exercice vers le risque nul à l’existence duquel il veut croire. Tout geste par trop invasif est jugé inadapté et dangereux. J’approuve évidemment, comment pourrait-on te faire subir une nouvelle intrusion après celle que tu as subie ?

Cependant, la pose d’une sonde gastrique est bien une pénétration continue et insidieuse de ton corps. Je suis évincé dans le couloir, une infirmière procède à sa mise en place, profitant de ton immobilité. La tubulure est fixée à la base de ton nez et sur ta tempe, serpente innocemment comme un viol perpétuel, comme le rappel de celui-ci.

Je m’assieds dorénavant à ta gauche, évite ta joue droite où le flexible translucide se love, reptile replié, prêt à jaillir, morsure, venin.

La vision reste supportable lorsque le fin tuyau est vide et propre ; mais quotidiennement, une poche de nutriment y est fixée et commence le gavage, puisqu’il s’agit – je crois – du terme approprié. Je souffre de voir cette immonde bouillie s’instiller en toi, à sa couleur indéfinie j’associe un goût identique, impur et répugnant. La consistance et la teinte du mélange imitent à la perfection les produits de l’excrétion ; qui pourrait associer cette substance au plaisir délicat de la nourriture ?


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