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Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

lundi 9 février 2009

Chroniques d’Ürtanaheh (roman - extrait 1)

On raconte qu'au commencement, alors que la Terre était nue de l'homme, les éléments s'égaillaient, réjouis, sur toute sa surface, entremêlés les uns aux autres. Par un hasard géologique naquit un jour d'une pierre un géant colossal, fruste et farouche, dont la tête effleurait la voûte céleste. Nehr, le titan, errait sur le magma élémental, pataugeait dans les océans infinis. D'un naturel belliqueux, il ne pouvait supporter la solitude et entrait souvent dans des colères démesurées, battait des bras dans des gestes outranciers, lançait des hurlements à faire trembler les ondes.

Du feu émergea ensuite un être de poils et de dents, un loup gigantesque, noir et luisant, nommé Xotlā dont la tête était couronnée de deux oreilles effilées et la face ornée de cinq yeux, jaunes et irascibles. Les deux créatures se rencontrèrent inévitablement et chacune tenta d'assurer sa suprématie. Une lutte titanesque s'engagea et les combattants s'empoignèrent avec tant de violence que la légende prétend que les diamants souterrains s'en retirèrent vers les cieux pour former étoiles et constellations. Les hostilités virent l'épuisement, l'agonie et la fin de Nehr. Xotlā, le loup sauvage, non content de sa victoire, la paracheva en le dévorant en son entier, à l'exception du crâne qu'il lança dans l'espace où il devint la lune.

Alors qu'il savourait les derniers reliefs de son gargantuesque festin, Xotlā s'étrangla en mangeant le pied du géant : l'ongle du gros orteil se ficha dans sa gorge et, malgré ses contorsions, le monstre carnivore s'effondra de tout son long, charogne velue. Il resta là, immobile, longtemps, et une odeur insupportable se dégagea bientôt de son corps en putréfaction. Pour cette raison, l'air généra un souffle curatif, fécond et le corps de la bête devint la terre d'Ürtanaheh, ses muscles anguleux des collines et des vallées, ses côtes des montagnes, ses griffes des cavernes. Sous l'influence de ce vent créateur, chacun de ses innombrables poils se transforma et de leurs mutations naquirent les végétaux, arbres, racines, plantes thérapeutiques et létales, toutes les herbes et les céréales. Quant à l’homme, son origine reste incertaine ; certaines légendes, soulignant leur aspect impermanent voire le vide de leur existence, prétendent que les êtres animés proviennent des pores du loup gigantesque. Tout était donc prêt pour accueillir l'humain, mais avant sa venue, ultime cadeau, ses cinq yeux roulèrent hors de ses orbites, se changèrent en cinq pierres magiques, ovoïdes, parfaitement lisses, qui véhiculèrent l'art chamanique, la langue sacrée, les glyphes surnaturels. Depuis, les chamanes en retirent leurs pouvoirs et leur sagesse, ancestrale et sanctifiée. Bien sûr, la magie et l'usage talismanique existent partout aux confins des terres, mais les Pierres seules assurent une maîtrise parfaite des sortilèges.

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Le printemps passe

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes
(Bashō Matsuo)
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