Comme tout écriturier (voir billet éponyme), je piste le bon mot, je traque l’allitération, je tarabuste la syntaxe. Tout cela fait partie de mon ordinaire – c’est fou ce que l’on peut faire avec seulement vingt-six lettres et une poignée de diacritiques !
Parfois, dans quelque crise mystico-littéraire, j’endosse le rôle de démiurge lemmatique et accouche d’un mot tout neuf, créatif, surprenant, révolutionnaire (ironie superlative que l’on qualifie, je crois, d’humilifique) et surtout, jamais auparavant employé. Enfin, le crois-je jusqu’au moment où je découvre ailleurs une version bien antérieure de mon supposé coup de génie. Adieu néologisme novateur, adieu mot-valise gratifiant ! À ce propos, remarquons l’indélicatesse gougueulienne (ou gougueularde, je ne sais) qui va pourchasser jusqu’aux antipodes le rustaud qui aurait eu l’impertinence d’inventer avant moi mon hapax.
Car c’est bien d’hapax qu’il s’agit. Le mot lui-même semble suspect (il est d’ailleurs un peu grec sur les bords, c’est dire …) Avec son H muet – si muet qu’on peut même s’en passer et écrire apax – on ne sait comment l’apparier avec son article. Le hapax est certes affreux mais l’hapax si bizarre ! Et au pluriel, c’est le pompon ! Les-z-hapax ne sont-ils pas z-horribles ? Remarquez qu’en raison de son unicité, il n’y a guère de raison de le plurieliser (et non ! ce n’est pas un hapax mais une inexactitude-signifiant-le-contraire-de-singulariser-lui-même-pris-dans-le-sens-de-mettre-au-singulier puisque G*** le recense 19 fois au jour d’aujourd’hui comme on disait hier).
J’en discutais justement avec un mien ami qui est aussi un ami à moi, celui-ci se désolant que l’intitulé de son site, au demeurant insolite si ce n’est hapaxique, ait été également employé par une foule d’indélicats. Foin de l’originalité ! Nous convînmes donc de partir à la chasse aux hapax comme d’autres à la chasse au Snark. Et me direz-vous, que fit-il ? Mais que voulez-vous qu’il fît, qu’il hapaxât* !
* À ce propos, les membres d’un forum que je ne citerai pas (soyons honnête, j’ai oublié duquel il s’agit) se désolaient que les néologismes verbaux finissent toujours en –er, délaissant honteusement la terminaison du deuxième groupe. Pour une fois, je n’ai guère d’avis sur la question, aussi proposerais-je d’employer indifféremment hapaxer ou hapaxir** jusqu’à ce que l’usage en décide, ce qui n’est pas pour demain, croyez-moi !
** On aurait donc : que voulez-vous qu’il fît, qu’il hapaxît ! C’est dit !
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