Écritures, billets, nouvelles, contes, brachygrammes, poésies, prosoésies, ludilemmes, romans...

Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

vendredi 1 mai 2009

Aloïs

Aujourd’hui, j’appelle ma mère au téléphone ; c’est son anniversaire.
Elle décroche, elle est en larmes, elle a cassé des œufs pour faire un gâteau, elle ne sait plus combien. Quelle histoire pour des œufs ! Mais son cerveau lui joue des tours. Là, c’est le nombre d’œufs ; il y a une heure, elle cherchait la boîte de mouchoirs qui était devant son nez ; tout à l’heure, ce sera autre chose.
Ce n’est pas tant l’oubli qui est tragique, mais la peur qui l’accompagne, la peur d’oublier ceux qui sont proches, la peur de s’oublier soi-même. C’est de se voir s’étioler peu à peu, devenir invisible, devenir insupportable aux autres. Oublier que l’on oublie, parfois seulement.
Quand j’étais gamin, une chanson nous répétait :
Maman est folle
On n’y peut rien
Mais ce qui nous console
C’est qu’elle nous aime bien.
C’est vrai qu’elle nous aime bien, que son désarroi nous attendrit et nous désespère. Que les larmes nous montent aux yeux de la voir si désemparée. Perdue. Alors j’hésite à lancer le « Bon anniversaire ! » que j’ai sur le bord des lèvres, formule répétitive, impersonnelle. Et puis, tant pis, je lui dis quand même.
Tout est creux. À travers le combiné, j’entends mon père qui s’énerve derrière elle. Je pourrais presque le voir lever les yeux au ciel.
C’est vrai qu’elle nous aime bien, tant qu’elle se souvient de nous.

3 Comments:

Françoise said...

Merci.

Chloé said...

C'est fou comme cette maladie me fait peur. Je reconnais ressentir actuellement quelques "absences" dûes à l'âge, mais j'ai surtout peur plus tard, bien plus tard de ne plus reconnaître les gens que j'aime et de devenir méchante avec eux.
C'est vrai aussi qu'au fond de moi, je me dis que tant que je me souviendrai de son prénom, j'ai peut-être une chance d'échapper à ses "avances".

Mais ce soir, je n'ai rien oublié et je vous souhaite Lal, une très heureuse Année 2012 remplie de bonheur et encore et surtout pour le plaisir de ceux et celles qui vous lisent, de très jolis textes. Portez-vous bien. Avec toute mon amitié. Chloé.

Lal Behi said...

Merci Chloé pour vos vœux. A mon tour de vous souhaiter toutes les bonnes choses que vous espérez et vous remercier pour votre fidélité et votre enthousiasme de lectrice.

J'espère évidemment continuer à rassasier le public avide de mon incomparable talent (c'était la plage d'autosatisfaction du 1er janvier ^^!)

Le printemps passe

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes
(Bashō Matsuo)
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