Écritures, billets, nouvelles, contes, brachygrammes, poésies, prosoésies, ludilemmes, romans...

Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

lundi 20 juillet 2009

De la saveur du cœur d’artichaut (JPH n°67)

Jeu presqu’hebdomadaire du forum À Vos Plumes. Contrainte : écrire un texte sur le thème « Rencontre » en incluant les mots portrait, sévère, sommet, douleur et hanter.

Lorsque j’ai rencontré Sarah, je venais de rompre avec Marie. Sarah avait des yeux assez ordinaires et dotés d’un léger strabisme qu’elle compensait allègrement par une paire de seins modestes mais à la forme parfaite et au moelleux incomparable.

Marie avait une croupe généreuse mais aucune imagination, cause principale de notre rupture. Avant elle, Lison ne pouvait s’empêcher de parler avant, pendant et après, ce qui m’occasionna de mémorables migraines et un besoin de solitude impérieux, assez bref avouons-le. Auparavant encore, Séraphine me ravissait de pâtisseries, desserts délicats dont elle excellait à la fabrication et qui me valurent un excédent abdominal qu’elle finit par me reprocher assez ingratement. Quelques temps plus tôt, Jeanne, peintre autodidacte, passait ses nuits et les miennes à esquisser mon portrait ; pour être honnête, je n’entrevis ses jambes qu’une ou deux fois et le tableau promis jamais. Antérieurement, Julie tenta de me passer la bague au doigt bien que je le réservasse pour elle à un bien autre usage ; elle avait des lèvres sévères mais une langue lascive. Il y eut également Monique et Mauricette, sœurs jumelles et passionnées, d’un âge assez avancé mais d’une inventivité toute juvénile. Je garde d’ailleurs un souvenir attendri de leurs silhouettes callipyges et quadruplement mamelues.

Tout cela pour dire qu’avec l’arrivée de Sarah, j’escomptais une période de répit et, pourquoi pas, de stabilité. J’adorais me nicher au milieu de sa poitrine qui évoquait deux monts siamois aux sommets fleuris. Je lui récitais des poèmes exécrables qu’elle abrégeait immanquablement en m’attirant vers elle, puis en elle. Inutile de préciser que, dans ces conditions, mon sens de la prosodie ne s’améliora guère.

Je tressais ses longs cheveux châtains en macarons interminables qui me rappelaient Séraphine et ses douces viennoiseries. Je photographiais sans répit ses tétons, mon unique sujet, dont j’affichais les tirages sur les murs de mon salon en une exposition sans cesse en mouvement. Elle se prêtait avec malice à ce petit jeu qui finissait toujours de la même façon : je courais chez le photographe acheter une autre pellicule. Et là où Jeanne s’était avérée incapable de traduire mon caractère par son pinceau, je transfigurais Sarah et sa concupiscence par mes clichés. Elle n’avait pas les fesses de Monique et Mauricette, pourtant je ne m’arrachais à son corps qu’avec douleur. Elle était donc la quintessence de mes anciennes aventures ; elle en possédait les qualités, agrémentées d’un grain de peau inégalable et de cuisses fines mais puissantes qui formaient un étau magique.

Bien entendu, je rêvassais à une liaison pérenne et pourquoi pas matrimoniale. Il n’en fut rien. Sarah m’embrassa un jour avec ni plus ni moins de fougue qu’à l’accoutumée et ce fut la dernière fois que je la vis, d’aussi près en tout cas. J’avais oublié qu’avant moi, il y avait eu Paul et son accent guttural, Simon et son piano sirupeux, Jacques et son sexe démesuré – maudit soit-il celui-là ! – quelques autres encore, sans compter ceux qu’elle n’avait jamais mentionnés.

Je plongeai immédiatement dans une dépression intense, son parfum me poursuivait et son ultime baiser me hanta une nuit au moins. Le lendemain, je me levai dépité, je descendis à la boulangerie ; Hélène y achetait une brioche et des macarons.


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(Bashō Matsuo)
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