Ada a quatorze ans.
Et soudain elle disparaît, déserte ma vie, s’absente de l’existence. Mon souffle se raréfie, suspendu ; insondables journées de craintes et d’espoirs mêlés. L’accablement s’empare des heures, ma patience est anéantie.
Évidemment, je songe au pire – qui n’est sans doute pas la mort ; comment pourrais-je supporter d’évoquer même son corps pur maltraité ? Les hommes déjà la regardent, elle dont les seins précoces et la silhouette féminine envoûtent. Qui l’aura prise, emmenée, et où ?
Elle me revient pourtant, après deux semaines de disparition inexpliquée.
Deux semaines de torture et de questionnement durant lesquelles la chair de ma chair m’a échappé. Deux semaines de séparation, de fugue peut-être comme le suggère le commissaire avec la délicatesse des hommes coutumiers du pire.
Deux semaines d’éternité, le temps s’interrompt : je n’ai pu voir son visage, contempler ses gestes qui me fascinent, humer son parfum qui partout répand l’odeur de la félicité. Que n’ai-je subi ses colères et son indifférence qui me rendent fou, moi son père, moi qui souffre de l’imaginer malheureuse, de la savoir pleurer.
Enfant, déjà, elle m’entraînait dans des sous-bois animaux, le long de sentiers exclusifs. Nous cheminions ensemble parmi les pistes encombrées de mûres ; notre relation est cette sente serpentine où parfois nous nous perdons de vue sans jamais nous éloigner. Lorsque je la précède, elle s’oriente sur la ligne de mes épaules – si elle montre le chemin, je poursuis son odeur, ses phéromones guident mes pas.
Qui peut parler d’amour qui n’a pas connu cette passion violente, toute entière prenante, cette ivresse de se savoir idéalisé, comblé, parfait ?
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