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Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

mardi 7 avril 2009

Chroniques d'Ürtanaheh (extrait 2)

Muxam, toujours muette, s’isolait fréquemment ou passait de longues heures immergée dans les eaux du lac qui, en glissant sur sa peau duveteuse, érodaient peu à peu les strates de son chagrin. Elle recouvra imperceptiblement le goût de la vie mais ne dut celui de la parole qu’à sa rencontre avec Ningalam. L’adolescent, de quelques années son aîné, se lia avec elle, sans doute parce qu’il était lui-même coutumier de la solitude. Celui-ci se hissait jusqu’à la canopée dans le seul but d’y admirer l’immensité de la forêt et cette mer de verdure qui lui semblait tout à la fois prête à le protéger ou l’engloutir. Il y entraîna Muxam ; cet interface entre le monde terrestre et l’espace aérien leur fut un refuge autant que dura leur deuil respectif – Ningalam avait perdu depuis peu son œil droit lors d’une chasse, non pas du fait d’un acte héroïque contre le gibier mais en entrant violemment en collision avec un tronc rugueux. Assommé, il avait été ramené au campement avec quelques moqueries d’ailleurs vite tues lorsque son œil s’était infecté et avait dû être ôté. Sa vision à présent monoculaire et plane lui interdisait dorénavant toute velléité cynégétique ; lui qui appréciait particulièrement de courir au cœur de la forêt, zigzaguant entre les arbres, vivifié par la fraîcheur sur son visage avait été contraint d’abandonner ce plaisir gratuit puisqu’il ne pouvait plus guère évaluer les distances. Peut-être était-ce à cause de ce handicap qu’il se plaisait à la cime même des arbres ; tout, proche ou lointain, semblait identique et l’immensité était telle qu’on en perdait la notion d’espace.

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Le printemps passe

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes
(Bashō Matsuo)
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