Écritures, billets, nouvelles, contes, brachygrammes, poésies, prosoésies, ludilemmes, romans...

Découvrez les lalbehyrinthes, partez en exploration, perdez-vous éventuellement… Chacun d’eux possède une issue, mais chaque sortie conduit irrémédiablement vers un nouveau dédale. Les textes s’imbriquent et tissent une toile dont le motif général pourrait être le mien, ou celui de tout autre personnage, selon mon humeur. Bref, la vérité est – sans doute – ailleurs, ou ici, ou nulle part.

jeudi 2 avril 2009

Blandices

À lire ici ou sur le blog de Magali Duru, deux mille signes à peine suite à son appel à textes sur le thème "Dîner de têtes".




Elle est là, parmi nous. Ou plutôt, elle trône, et tous les regards sont tournés dans sa direction. Mais elle demeure impassible, insensible à notre attention. Pourtant, un silence s’est fait à son arrivée ; un ange passe. L’analogie est parfaite : sa peau est d’une pâleur ivoirine.


Mon voisin de droite l’admire avec des yeux révulsés d’envie. Un tic nerveux fait trembler ses commissures. Sans doute le désir de se jeter sur elle l’étreint-il, mais les règles de bienséance l’en empêchent heureusement. Une goutte de sueur perle sur sa tempe – répugnant personnage !


À ses côtés, un quinquagénaire opulent, cache sa débonnarité derrière un verre de vin qu’il sirote à petite lampée. Lui aussi n’a d’yeux que pour elle ; il tente de camoufler son embarras dans les amuse-gueule qu’il engloutit avec un bruit de mastication compulsive.


À ma gauche, la seule femme de l’assemblée l’observe avec circonspection et une moue vaguement dégoûtée. Elle scrute discrètement sa propre main pour tenter une comparaison avec le grain de la peau immaculée, comparaison qu’elle conclue en sa défaveur. Elle se renferme alors dans un mutisme gêné, croise ostensiblement les bras pour marquer sa désapprobation.


En face, l’homme qui préside la cérémonie remplit son verre d’eau gazeuse sans la quitter des yeux. Le pétillement des bulles résonne, brise l’immobilité, chacun retrouve une relative décontraction.


Quant à moi, j’observe son visage aux traits un peu forts mais émoussés d’une douce rondeur. Elle n’est ni plus belle ni plus laide qu’une autre mais il est vrai – à l’instar des autres invités – que je trouve la texture de sa peau remarquable, pour qui aime les carnations diaphanes s’entend. Ses joues sont tendues et semblent prêtes à frémir d’indignation. Le galbe de son front également surprend aussi, un arc presque parfait.


Cependant, j’hésite à rester. Non pas que je juge indélicate son arrivée tardive, je ne suis guère formaliste. Simplement, j’exècre la tête de veau.

1 Comment:

Anonyme said...

Je me suis fait avoir. Et cela m'a beaucoup plu.

Genovanna

Le printemps passe

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes
(Bashō Matsuo)
Accueil

Retour à l'haut de page